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donné sa bénédiction à votre mariage et vous n’aurez pas non plus la mienne.

Natalie, s’approche de sa mère, lui prend les mains et chante.

Ô mère, mère, le cœur ne raisonne pas :
Quand il aime une fois, c’est bien jusqu’à la mort.
Mieux vaut mourir que de vivre avec celui qu’on n’aime pas,
Dépérir de chagrin et pleurer tout le jour.
Pauvreté et richesse dépendent de Dieu ;
Les partager avec celui qu’on aime, quel heureux sort !
Ô mère, ne suis-je pas ta fille ?
Te plairait-il de me voir souffrir ?
N’as-tu pas pitié de mon chagrin ?
Celui qu’on aime, tu veux qu’on l’oublie.

Oh maman, maman, ne fais pas le malheur de ta fille. (Elle pleure.)

Horpyna, touchée.

Nanine, ne perd pas la tête ! Tu es ma seule fille, mon sang, comment pourrais-je vouloir ton malheur ? Ma pauvreté et mon grand âge me forcent à te marier le plus vite possible. Ne pleure pas. Je ne suis pas ton ennemie. C’est vrai, Pétro est un brave garçon, mais où est-il ? Qu’il retourne, qu’il nous revienne. Ce n’est pas un paresseux, il aime le travail, avec lui tu ne manquerais jamais de pain… mais que faire ? Qui sait s’il ne s’est pas fourvoyé. Peut-être s’est-il marié et t’a-t-il oubliée ! Aujourd’hui ça arrive que l’on aime l’une et que l’on pense à une autre.

Natalie

Pétro n’est pas comme ça : mon cœur me répond de lui et il me dit qu’il nous reviendra… S’il savait que nous sommes dans la misère, il volerait vers nous de l’autre bout du monde pour nous aider.

Horpyna

Ne crois pas trop ton cœur : souvent ce qu’il nous dit est trompeur. Regarde ce qui se passe dans le monde et juge Pétro en conséquence… Et il vaudrait bien mieux que tu m’écoutes et que tu m’obéisses. (Elle chante.)

Ah ! pourquoi donc ne serais-je pas tendre
En choisissant quelqu’un pour gendre ?

Ma chère enfant n’est-ce pas indiqué
Que de chercher un gendre aimé ?

Au loin Pétro a peut-être pris femme
Et ne pense plus à sa flamme.
Ma chère enfant…

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