Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LE POÈTE ASSASSINÉ

Et le troisième expliqua qu’il s’agissait d’un officier de restaurant, l’homme de l’office, celui qui essuie la vaisselle…

Mais Croniamantal ne leur répondit pas et s’en fut visiter une ancienne cuisinière qui faisait des vers, chez laquelle il espérait rencontrer Tristouse, à l’heure du thé. Tristouse n’était pas là, mais Croniamantal s’entretint avec la maîtresse de maison qui lui déclama quelques poèmes.

C’était une poésie pleine de profondeur où tous les mots avaient un sens nouveau. C’est ainsi qu’archipel n’était employé par elle que dans le sens de papier buvard.

À peu de temps de là, le riche Paponat, fier de pouvoir se dire l’amant de la célèbre Tristouse, et qui était désireux de ne point la perdre car elle lui faisait honneur, décida d’emmener sa maîtresse en voyage à travers l’Europe centrale.

— C’est entendu, dit Tristouse, mais nous ne voyagerons pas comme des amants, car si vous m’êtes agréable, je ne vous aime point encore ou du moins je m’efforce de ne point vous aimer. Nous voyagerons donc en camarades et je m’habillerai en garçon, mes cheveux ne sont pas longs et l’on