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Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/165

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avant. Et alors a commencé une lente agonie qui embarrassa fort l’homme de science ; j’allais un peu mieux, puis je m’affaissais ; je souffrais beaucoup ; je cessais absolument de souffrir ; et, en dépit de toutes les règles, je ne suis pas mort avant le jour fixé dès ma naissance. Comme un acteur consciencieux, j’ai joué mon rôle, sans ajouter ni retrancher un mot à ce qui m’était prescrit par le dramaturge. Cette comparaison si banale de la vie avec un rôle a pour moi un sens profond. Si je remplis mon rôle en acteur consciencieux, c’est probablement que j’ai joué d’autres rôles, que j’ai pris part à d’autres pièces. Si je ne suis pas mort au moment où il était évident pour tous que je mourais, c’est que probablement je ne mourrai jamais et vivrai tant que durera le monde. Ce que j’ai perçu hier si vaguement s’est comme solidifié en une certitude ; mais quels étaient ces rôles et dans quelles pièces les ai-je donc joués ?

Je me mis à chercher dans ma vie passée la clef de ce problème. D’abord je poursuivis tels rêves où vivaient des pays et des personnages qu’avaient ignorés mes veilles… Je me remémorai telles rencontres qui m’avaient ému profondément, insolitement, et, soudain, je me rappelai le château de la Roche-Maudin.