Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/254

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le héraut me commanda de parler, en cas que j’eusse quelque chose à répondre ; mais je ne me sentois capable que de verser des larmes, non pas tant en vérité à cause de la cruelle accusation dont on me chargeoit, que par le reproche que me faisoit ma conscience. Cependant, comme si quelque divinité m’eût, dans le moment inspiré de la hardiesse, voici comme je parlai.

Je n’ignore pas (7), Messieurs, combien il est difficile qu’un homme accusé d’en avoir tué trois, et qui avoue le fait, puisse persuader à une si nombreuse assemblée qu’il est innocent, quelques vérités qu’il puisse alléguer pour sa justification. Mais, si votre humanité m’accorde un moment d’audience, je vous ferai connoître aisément que je cours risque de perdre la vie, non pour l’avoir mérité, mais pour avoir eu une juste indignation causée par un accident imprévu. Comme je revenois hier fort tard de souper, ayant, à la vérité, un peu de vin dans la tête, je vous avouerai franchement cette faute, je trouvai devant la maison du bon Milon, l’un de vos citoyens, chez qui je loge, une troupe de scélérats et de voleurs, qui cherchoient les moyens d’entrer chez lui, et qui ayant forcé les gonds de la porte, et fait sauter les verroux dont on l’avoit exactement fermée, délibéroient déjà d’assassiner tous ceux de la maison. Un d’entre eux, plus agissant et d’une taille au-dessus des autres, les excitoit ainsi : Courage, enfans, attaquons avec