leur état naturel ; et ne croyez pas qu’elle m’en ait instruite dans la vue de me faire plaisir, mais afin que, quand elle revient, je puisse lui donner les secours nécessaires pour lui faire reprendre sa forme humaine. Au reste, voyez avec quelles simples herbes et avec quelles bagatelles on fait une chose si merveilleuse. Par exemple, il ne lui faudra à son retour qu’un bain et un breuvage d’eau de fontaine, où l’on aura mêlé un peu d’anis et quelques feuilles de laurier.
En me donnant plusieurs fois cette assurance, elle entre dans la chambre toute troublée de peur, et tire une boîte d’un petit coffre. Je la pris et la baîsai, faisant des vœux, et souhaitant avec passion qu’elle me fût favorable dans l’envie que j’avois de voler dans les airs. M’étant promptement déshabillé, je prens avec empressement plein mes mains de la pommade qui étoit dans la boîte, et je m’en frotte généralement par tout le corps, ensuite je fais des efforts, en m’élançant comme un oiseau, et remuant les bras pour tacher de voler. Mais, au lieu de duvet et de plumes, toute ma peau devient comme du cuir, et se couvre d’un poil long et rude. Les doigts de mes pieds et de mes mains se joignent ensemble, et se durcissent comme de la corne ; du bout de mon échine sort une longue queue ; mon visage devient énorme, mes narines s’ouvrent, ma bouche s’agrandit, mes lèvres deviennent pendantes, mes oreilles et les autres parties de mon corps s’alongent