Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/39

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J’appris en une heure, à cette aventure, des secrets que la vie aurait mis quelques bonnes années à m’apprendre, et j’y laissai, ou peu s’en faut, le grain de raison qui me restait.

Quoi ! il y avait au monde d’autres poètes qu’Horace et Virgile ? La poésie reverdissait donc aussitôt fanée, comme les fleurs, ces riens éternels qui ne font que naître et mourir ?

Les romans, les journaux parlaient de Paris, de la gloire. C’est peut-être là, me disais-je, le paradis entrevu dont tu rêvais ? Alors, dans la naïveté de mon imagination, je me figurais une vie supérieure, inaccessible, vie de génies et de demi-dieux ; et, pareil au petit Bédouin venu à la ville par hasard, qui rôde émerveillé autour du palais des kalifes, je devinais derrière ces murs tant de jardins embaumés et de salles merveilleuses, que je n’osais pas même concevoir l’idée, le désir d’y pénétrer jamais.

Je relisais, pour me consoler, les sonnets du pauvre Mitre, tous incomplets ; hélas ! comme sa vie ; et ces lettres d’amour, signées d’un nom de femme, ces lettres que je ne comprenais qu’à demi, mais dont les lignes pâlies, l’encre déjà presque effacée me brûlaient les yeux, tant elles semblaient étinceler. Un immense besoin d’aimer, d’aimer n’importe qui, s’empara de moi tout à coup, et, honteux d’avoir attendu si tard, je demandai tout bas pardon au pauvre Mitre.

Pauvre Mitre ! pauvre cousin Mitre ! vous étiez