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FRIQUETTES ET FRIQUETS

— Pour les braves gens qui se trouvent dans votre cas, il y a des secours, des asiles… Moyennant quelques recommandations peut-être pourrait-on ?…

— Ah ! oui, répondit-il avec un sourire navré, les asiles !… Je sais… J’avais même essayé… Malheureusement, voyez-vous, monsieur, je suis trop jeune…

— Trop jeune ! m’écriai-je en considérant ce dos courbé, ces cheveux blancs, ces mains tremblantes et flétries.

— Oui, pour être admis à l’asile il faut prouver au moins soixante ans. J’en ai bien cinquante-neuf, mais d’ici là…

Puis me saluant, il partit, sincèrement désespéré d’être trop jeune, le pauvre vieil homme !

Ceci me consolait un peu de l’humiliation du matin. Heureux de constater une fois de plus combien la vieillesse est chose relative, je pardonnai du fond du cœur leur inconsciente cruauté à l’impertinent petit facteur et à sa trop rieuse cousine.