Page:Arène - Friquettes et friquets, 1897.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
FRIQUETTES ET FRIQUETS

Voici — arrivés, hélas ! par le train — les narcisses avec les jacinthes, des grappes de pâles lilas, des tas de frileuses anémones, l’œillet dont la sveltesse orientale ne brille jamais mieux qu’isolée dans l’émail d’un cornet persan ; les frêles mimosas et la provocante cassie que les belles Marseillaises aiment mordiller, sachant combien ce jaune ardent, couleur du soleil, s’accorde au mat aminé de leur teint et à l’incarnat de leurs lèvres.

Et, depuis huit jours, c’est une joie, mais surtout dans les ateliers, parmi les malheureux peintres de fleurs si longtemps sevrés de modèles et réduits, faute de pouvoir s’offrir, pour dix francs, la séance de pose d’une rose, à recommencer éternellement près d’un poêle chauffé au charbon, leur éternel pot de chrysanthèmes ; lesquels peintres, ravis, travaillèrent enfin d’après nature, et, le pinceau fou, la palette frémissante, bousculèrent de fond en comble, pour le refaire avant l’ouverture du Salon, le tableau caressé où ne manquait que la signature.

Cependant, tout le monde ne se paye pas ainsi d’illusion.