Page:Arène - La Chèvre d’or.djvu/32

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de plus ta République ? N’avons-nous pas une maison, un bon bateau, un bel enfant ?… » À quoi patron Ruf répond : — « Tout le monde n’est pas comme nous. Il y a des pauvres dans les grandes villes. Les femmes ne comprennent pas ça ! La gloire de la République, c’est de songer au sort des pauvres. »

Pour une fois cependant nous laissons la politique tranquille. Encore préoccupé de notre traversée d’hier, j’ai remis sur le tapis ce village du Puget-Maure, entrevu de loin et si étrangement perché.

— « Drôle d’idée de vouloir vous perdre dans ce paradis des couleuvres. Le Puget n’est même plus un village. Il y a cent ans, je ne dis pas. Mais depuis, ce qu’il pouvait rester de bon là-haut, terre et habitants, est descendu en plaine. Le roc seul persiste, avec une vingtaine de familles qui font semblant de cultiver ce que la pluie a laissé dans les creux. Et quelles familles ! des gens à figure de bohémiens qui ne se marient qu’entre eux, par fierté, disent-ils, mais aussi par misère. Tout ce vilain monde n’aurait qu’à mourir de sa belle faim. Seulement les femmes, un peu sorcières, vont à la ville les