Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/174

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Quelques-uns d’entre vous ont connu Lazarus, ce géant roux qui, avec son profil calme et pur, ses yeux rayonnant de génie, avait l’air d’un dieu grec domicilié aux Batignolles ; car, s’il vous en souvient, Lazarus avait aux Batignolles un atelier dans un jardin. Atelier clos, jardin entouré de murs moussus et plus enchevêtré d’orties, d’herbes folles et de broussailles, que ce parc solitaire ou les nymphes pourraient revivre, tant les arbres et les oiseaux s’y réjouissent de l’absence de l’homme.

Un esprit singulier, Lazarus ! tout en parti pris, en idées tranchées, et particulièrement paradoxal dans ses théories sur l’amour.

Pour lui, l’humanité se divisait en deux grandes catégories : les uns qui s’acoquinent après le cotillon des belles, épuisant sottement la passion jusqu’à satiété ; les autres qui, le but atteint et le rêve réalisé, fuient emportant un souvenir que rien désormais ne saurait corrompre, et disparaissent pareils aux dieux, lesquels ne descendent de leur Olympe que pour y remonter aussitôt.

Lazarus approuvait ces derniers et appuyait son opinion de raisons quelquefois piquantes. — « Gardez intacte, disait-il, la sensation ; n’essayez pas, il y aurait folie, de renouveler l’instant divin… Écoutez l’instinct qui est de partir, de se plonger, libre, en plein éther, et