Page:Arétin - La Puttana errante, 1776.djvu/21

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rien. Cependant je pensois toute la nuit aux moyens que je pouvois prendre pour me faire baiser à un homme ; surtout je le souhaitois fort discret. Il s’en présenta plusieurs à mon esprit ; mais celui qui m’occupa le plus fut le joli garçon que j’avois vu avec mon cousin. Il me souvient alors qu’il m’avoit saluée diverses fois avec toutes les apparences d’un homme amoureux. Je résolus donc d’affecter dès le lendemain de passer devant lui et de lui rendre, de la meilleure grâce que je pourrois, les saluts qu’il me faisoit. Cela me réussit assez bien, et sans me donner la peine d’aller courir devant sa maison, il vint chez nous une fois et passa à dessein de me voir encore deux fois dans notre rue. Tu aurois dit que nous nous étions communiqué nos pensées, à voir comme nous nous accordions. C’étoit pourtant peu de chose que cela, et je souhaitois extrêmement de l’entretenir en particulier, afin de le mettre d’humeur de me demander quelque faveur. Il n’osoit m’aborder, tant il me croyoit fière, et moi j’enrageois de le voir ainsi façonneux. Enfin, après avoir rôdé quelques jours dans notre quartier, il remarqua pour une bonne fois que mes regards n’étoient ni fiers ni indifférents ; et une occasion qui se présenta le fit hazarder de m’entretenir. Il entra chez nous une après-dînée, et alla droit à la chambre de mon cousin ; je courus après lui aux degrés pour lui dire que mon cousin étoit sorti. Mademoiselle, me dit-il alors, je suis bien payé de la peine que j’ai prise de venir ici, puisque j’ai l’honneur de vous voir. —