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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/102

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français et espagnols en présence, portant à un négociant qui avait des amis à Perpignan l’invitation de me fournir tout ce dont j’aurais besoin. L’Espagnol se montra très-disposé à déférer à l’invitation ; mais je ne profitai pas de sa bonne volonté, à cause des événements que je rapporterai tout à l’heure.

L’Observatoire de Paris est très-près de la barrière : dans ma jeunesse, curieux d’étudier les mœurs du peuple, j’allais me promener en vue de ces cabarets que le besoin de se soustraire au paiement de l’octroi a multipliés hors des murs de la capitale ; dans mes courses, j’étais souvent humilié de voir des hommes se disputer un morceau de pain, comme l’eussent fait des animaux. Mes sentiments ont bien changé à ce sujet depuis que j’ai été personnellement en butte aux tortures de la faim. J’ai reconnu, en effet, qu’un homme, quelles qu’aient été son origine, son éducation et ses habitudes, se laisse gouverner, dans certaines circonstances, bien plus par son estomac que par son intelligence et son cœur. Voici le fait qui m’a suggéré ces réflexions.

Pour fêter l’arrivée inespérée d’una onza de oro, nous nous étions procuré, M. Berthemie et moi, un immense plat de pommes de terre ; l’officier d’ordonnance de l’empereur le dévorait déjà du regard, quand un Marocain qui faisait ses ablutions près de nous avec un de ses compagnons, le remplit involontairement d’ordures. M. Berthemie ne put maîtriser sa colère, s’élança sur le maladroit Musulman, et lui infligea une rude punition.

Je restais spectateur impassible du combat, lorsque le second Marocain vint au secours de son compatriote. La