Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/327

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affront. Un orateur, déjà célèbre par ses préjugés, mais qui n’avait jusqu’alors épanché son fiel que sur des productions d’origine française, s’attaquera aux plus beaux noms de l’Angleterre, et débitera contre eux, en plein parlement, de puériles accusations avec une risible gravité. Des ministres dont la faconde se fût exercée des heures entières sur les priviléges d’un bourg pourri, ne prononceront pas une seule parole en faveur du génie ; le Bureau des longitudes, enfin, sera supprimé sans opposition. Le lendemain, il est vrai, les besoins d’une innombrable marine feront entendre leur voix impérieuse, et l’un des savants qu’on avait dépouillés, l’ancien secrétaire du Bureau, le docteur Young enfin, se verra rappelé à ses premiers travaux. Impuissante réparation ! Le savant en aura-t-il moins été séparé de ses illustres collègues ? L’homme de cœur aura-t-il moins entendu les nobles fruits de l’intelligence humaine, tarifés devant les représentants du pays, en guinées, schellings et pennys, comme du sucre, du poivre ou de la cannelle ?

La santé de notre confrère, qui déjà était un peu chancelante, déclina, à partir de cette triste époque, avec une effrayante rapidité. Les médecins habiles dont il était assisté perdirent bientôt tout espoir. Young lui-même avait la conscience de sa fin prochaine et la voyait arriver avec un calme admirable. Jusqu’à sa dernière heure, il s’occupa sans relâche d’un dictionnaire égyptien, alors sous presse, et qui n’a été publié qu’après sa mort. Quand ses forces ne lui permirent plus de se soulever et d’employer une plume, il corrigea les épreuves à l’aide d’un crayon. L’un des derniers actes de sa vie