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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/662

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consuls : la magnanimité fit défaut ; on ne répondit pas au rapport, et le ministre démissionnaire resta dans son ancien grade.

En 1814, quand il fallut expédier les lettres de commandement du nouveau gouverneur d’Anvers, les commis de la guerre, pour écrire l’adresse, cherchèrent dans les contrôles les titres officiels de Carnot, et restèrent stupéfaits en voyant que l’empereur venait, sans s’en douter, de placer un chef de bataillon à la tête d’une foule de vieux généraux. Le service aurait évidemment souffert d’un pareil état de choses ; on sentit le besoin d’y remédier, et, à l’imitation de certain personnage ecclésiastique qui, dans la même journée, reçut les ordres mineurs, les ordres majeurs, la prêtrise et l’épiscopat, notre confrère, en quelques minutes, passa par les grades de lieutenant-colonel, de colonel, de général de brigade et de général de division.

Oui, Messieurs, Carnot avait de l’ambition ; mais, comme il l’a dit lui-même, c’était l’ambition des trois cents Spartiates allant défendre les Thermopyles !

L’homme qui, dans sa toute-puissance, ne songea seulement pas à se faire l’égal, par le grade, de ceux dont il dirigeait les vastes opérations, avait aussi dédaigné les faveurs de la fortune. Quand il rentra dans la vie privée, son faible patrimoine était à peine intact. Comment, avec les goûts les plus simples, avec une vive antipathie pour le faste et la représentation, Carnot n’arriva-t-il pas, sans même s’en douter, sinon à la richesse, du moins à l’aisance de ceux qui, comme lui, ont longtemps occupé de brillants emplois ? Quelques faits serviront de réponse.