Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/165

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aurait pu les avoir et qu’on ne l’aurait pas aimé de même ; c’est lui qu’on aime, et parce que c’est lui. Ceux qui n’ont point goûté ce sentiment peuvent seuls nier qu’il existe ; il faut les plaindre

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… » Dès l’instant où ils se furent rencontrés à Rome, tout fut commun entre eux : peines, plaisirs, travaux, la gloire même, celui de tous les biens peut-être qu’il est plus rare que deux hommes aient partagé de bonne foi. Cependant, chacun d’eux publia à part quelques morceaux, mais peu importants, et qui, selon le jugement de celui à qui ils appartenaient, n’auraient pas mérité de paraître avec le nom de son ami. Ils voulurent qu’il y eût dans les places qu’ils occupaient une égalité parfaite ; si l’un des deux obtenait une distinction, il ne songeait plus qu’à procurer à son ami une distinction égale. Un jour, dans un besoin d’argent, le père le Seur s’adressa à un autre qu’à son ami. Le père Jacquier lui en fit des reproches : Je savais que vous n’en aviez pas, lui dit le père le Seur, et vous en auriez emprunté pour moi à la même personne

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… « Le père Jacquier eut le malheur de survivre à son ami. Le père le Seur succomba à ses infirmités en 1770. Deux jours avant de mourir, il paraissait avoir perdu toute connaissance. « Me reconnaissez-vous ? » lui dit le père Jacquier peu d’instants avant sa mort. « Oui, répondit le mourant ; vous êtes celui avec qui je viens de résoudre une équation très-difficile. » Ainsi au milieu de la destruction de ses organes, il n’avait pas oublié quels furent les objets de ses études, et il se rappelait un ami avec qui tout lui avait été commun.