Aller au contenu

Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Néanmoins, le public se montra aveugle. L’engouement devint extrême. La société française parut un moment partagée en magnétiseurs et en magnétisés. D’un bout du royaume à l’autre, on voyait des agents de Mesmer qui, leur quittance à la main, mettaient les pauvres d’esprit à contribution.

Les magnétiseurs avaient eu l’adresse de faire entrevoir que les crises mesmériennes se manifestaient seulement chez les personnes douées d’une certaine sensibilité. Dès ce moment, pour ne pas être rangés parmi les insensibles, des hommes et des femmes se donnèrent, près du baquet, les apparences d’épileptiques.

Le père Hervier n’était-il pas réellement dans un des paroxysmes de cette maladie, lorsqu’il écrivait : « Si Mesmer eût vécu à côté de Descartes et de Newton, il leur aurait épargné bien des peines : ces grands hommes soupçonnaient l’existence du fluide universel ; Mesmer a découvert les lois de son action. »

Court de Gébelin se montra plus étrange encore. La nouvelle doctrine devait naturellement le séduire par ses rapports avec quelques pratiques mystérieuses de l’antiquité ; mais l’auteur du Monde primitif ne se contenta pas d’écrire en faveur du mesmérisme avec l’enthousiasme d’un apôtre. Des douleurs affreuses, de violents chagrins, lui rendaient la vie insupportable ; Gébelin voyait arriver sa fin avec satisfaction, et, dès lors, il demandait avec instance qu’on ne le transportât point chez Mesmer, où certainement « il ne pourrait pas mourir. » Disons en passant que ces prières ne furent pas écoutées, et que Gébelin expira pendant qu’on le magnétisait.