Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/338

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allant un soir à la chapelle pour faire ses dévotions, Newton laissa par mégarde une bougie allumée sur son bureau de travail. Pendant son absence, un chien favori, qu’il appelait Diamant, renversa la bougie de là un incendie, qui consuma une grande quantité de manuscrits et de notes. À son retour, il aperçut le désastre irréparable ; suivant les uns, il se contenta de dire : Ah Diamant, Diamant, tu ne soupçonnes pas le mal que tu m’as fait. Selon d’autres, la perte de ses notes manuscriptes produisit une impression si pénible sur Newton qu’il en tomba malade, et que son intelligence en fut pour quelque temps affaiblie.

La question de l’éclipse momentanée des hautes facultés mentales de Newton, a été débattue avec une grande force de logique. M. Biot s’était prononcé pour l’affirmative en s’appuyant sur une note de Huygens extraite d’un registre manuscrit conservé à la Bibliothèque de Leyde. L’opinion contraire a été soutenue, non sans quelque vivacité, par sir David Brewster, d’Édinburgh. Comme il arrive souvent en pareille circonstance, on peut contester l’opinion absolue, transmise verbalement à Huygens par un compatriote de Newton mais on doit convenir, d’après la correspondance de cet homme illustre avec Locke, qu’il avait en 1693 perdu presque totalement la mémoire : « Je ne me ressouviens pas, disait l’auteur des Principes, de vous avoir écrit la lettre à laquelle vous répondez. » Cette lettre s’est retrouvée dans la collection d’autographes de lord Kink, un des descendants de Locke. Je vais en donner la traduction ; le lecteur sera ainsi en mesure de décider, d’après ses propres lumières, si une