Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/624

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lents poëtes » ; Desmarest est auteur « de la plus belle imagination qui soit au monde » ; mais à côté de ces arrêts burlesques dont la postérité, fort coutumière du fait, n’a tenu aucun compte, on trouve dans les listes les noms de Corneille, de Racine, de Fléchier, de Quinault ; dans les sciences, parmi les seuls étrangers : ceux de Viviani, d’Heinsius, d’Hévélius, de Huygens. De pareils choix ne doivent-ils pas faire pardonner quelques erreurs, quelques bévues, imputables à des relations de cour, à l’aveuglement de l’amitié, surtout à des sentiments de camaraderie ? car si ce dernier mot est neuf, la chose qu’il désigne est bien ancienne.

Pas plus qu’un autre, je ne voudrais accorder ma confiance à ceux qui acceptent les fonctions d’historiographes privés, ou la position de poètes lauréats. Je sais, comme tout le monde, qu’ils sont chaque jour dans l’alternative de perdre leur pension ou leur propre estime ; je sais qu’ils n’écrivent pas une seule ligne sans se demander si elle ne leur sera pas reprochée par les porte-clefs des cassettes princières, ou par les distributeurs de fonds secrets. J’ai parlé, moi, de rémunérations nationales ; or, à moins de s’abandonner à la pensée cruelle, et de plus mensongère, que le talent et des sentiments de délicatesse et d’honneur ne marchent jamais réunis, qui pourrait douter que tous ceux dont le pays aurait proclamé la prééminence, sentissent se fortifier en eux l’amour du beau et du bien ? Quant à moi, je crois qu’ils deviendraient les apôtres ardents de la vérité ; les antagonistes décidés du mensonge. Ils seraient, dans le champ des sciences et de la littérature, les mandataires