— Quel àge as-tu ?
— Vingt-deux ans.
— Voudrais-tu retourner à Angole ?
— Trop loin ; moi pas nager jusque-là.
— T’es-tu vendu volontairement ?
— Point ; c’est père à moi.
— Très-cher ?
— Oui, un baril d’eau-de-vie tout plein.
— Avais-tu une sœur, un frère ?
— Oui, une sœur, vendue avec moi pour dix aunes d’étoffe bleue.
— Où est ta sœur ?
— Sur les nuages.
— Comment cela ?
— Je l’ai étranglée en arrivant.
Et Zaé, mon nègre, s’arrêta tout court ; ses yeux rouges étaient immobiles, ses dents craquaient et ses doigts se crispaient convulsivement.
— Tu as étranglé ta sœur, m’as-tu dit ; pourquoi ?
— Je l’aimais, nous allions nous marier ; car frère et sœur se marient à Angole. Quand nous arrivâmes au Brésil, on nous sépara. Moi vendu à un homme riche, elle à un moine… Un jour, moi la trouvai à la fontaine, et je vis sur son dos des marques de coups de chicote qu’on lui avait donnés la veille. Moi lui serrai la main et lui demandai si elle était heureuse ; elle me montra ses épaules déchirées. — Demain tu ne souffriras plus. — Le lendemain j’attendis au coin de la rue d’Alfandéga maître à ma sœur. Quatre autres prêtres l’accompagnaient. Moi pas assez fort pour les tuer ; aussi j’entrai dans la maison… et sœur à moi ne souffrit plus.
— Mais c’est un meurtre que tu as commis là, et que je peux dénoncer.
— Ça m’est égal, j’irai rejoindre ma sœur.
Je rassurai l’esclave, et lui fis jurer, avant d’aller plus loin, qu’il ne s’échapperait pas lorsque nous serions arrivés au Corcovado.
— Je le jure, me dit-il en faisant un grand effort sur lui-même ; mais je voulais m’en aller marron ; la chicote de mon maître est trop dure.
— Ainsi tu ne t’échapperas pas ?
— Non.
Je trouvai le général Hogendorp souffrant, alité ; une fièvre ardente le dévorait, et il n’avait que son fidèle Zinga pour veiller à ses besoins et sur sa vie.
— C’est bien, me dit-il, vous avez pensé au pauvre exilé, vous lui avez apporté quelques provisions et les consolations de l’amitié ; que le Ciel vous en récompense !
— Je vous promets de nouvelles visites, général ; aujourd’hui je ne viens chez vous que comme un oiseau de passage. Le Corcovado est là