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voyage autour du monde.

l’équipage attentif, penché sur l’abîme regarde en sifflant comment le requin saisit sa proie, et combien il lui faut de minutes pour mâcher et avaler un homme… La mer, vous le voyez, a ses distractions et ses jours de fête.

Mais d’autres incidents, plus dramatiques encore, ont lieu pendant les longues traversées ; il arrive parfois qu’un navire de guerre, en chasse des négriers, met le cap, toutes voiles dehors, sur un de ces bâtiments de damnés contre lesquels le Ciel n’a pas assez de foudres ! Qu’arrive-t-il alors ? le capitaine aux abois, s’il est vaincu dans sa marche, fait hisser des tonneaux sur le pont, les emplit d’esclaves, les ferme et les jette aux flots. C’est un amusement comme un autre.

Puis, en arrivant dans le port, le capitaine va voir l’armateur.

— Eh bien ?

— On m’a donné chasse, j’ai été forcé de me délester.

— Allons, préparez-vous à repartir au premier vent favorable ; la place manque de marchandise.