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VII

RIO-JANEIRO.

Bibliothèque. — Esclave. — Détails.

À Rio-Janeiro il y a une bibliothèque royale, grande, belle, et enrichie des meilleurs ouvrages littéraires, scientifiques et philosophiques des nations civilisées. J’ai eu toutes les peines du monde à me la faire indiquer, car elle est parfaitement déserte et inconnue des Brésiliens. Je l’ai visitée deux fois, deux fois je m’y suis trouvé seul avec le directeur, jeune moine aux formes polies, mais ne parlant de Montesquieu, de Rousseau, de Montaigne, de Voltaire, de Pascal, de d’Alembert et de Diderot qu’avec le plus profond dégoût. Ce directeur croit beaucoup à l’astrologie et fort peu à l’astronomie : je m’en étais douté.

Dans une salle voisine de la salle publique sont des rayons privilégiés où dorment sans secousses 2,500 volumes à peu près, admirablement reliés et enfermés sous des vitrages élégants.

— Ceci, me dit le moine, c’est la bibliothèque particulière de notre gracieux fils don Miguel, futur souverain du Brésil.

— Vient-il souvent ?

— Jamais.

— Que saura donc ce jeune prince ?

— Qu’il est fils de roi.

— C’est peu.

— C’est beaucoup, tant d’autres l’ont oublié !

De la bibliothèque j’allai au musée. Le directeur (car ce mot est à la mode ici comme au Portugal) me fit les honneurs des diverses salles de