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voyage autour du monde.

bonne heure ! j’en aurai là pour mon argent… Ô Voltaire ! pardonne à ton sacrilège traducteur !… Orosmane est coiffé d’une toque surmontée de vingt-cinq ou trente plumes de diverses couleurs, et deux énormes chaînes de montre promènent jusqu’à mi-cuisse de monstrueuses breloques avec un cliquetis pareil à celui du trousseau de clefs d’une tourière en inspection. De gigantesques bracelets ornent ses bras nerveux, et de charmants et coquets favoris en virgules parent ses tempes et viennent caresser les deux coins de sa bouche. La pièce d’étoffe qui pèse sur ses épaules n’est ni un manteau, ni une casaque, ni une houppelande, ni un carrick ; mais elle tient des quatre espèces de vêtements à la fois et ne peut se décrire dans aucune langue. C’est à effrayer le pinceau le plus oseur du caricaturiste. Orosmane parle et gesticule. — Qu’on me ramène aux galères.

Voici Zaïre, Nérestan, Châtillon, Lusignan ; ils ont tous fait serment d’outrager le grand homme… Mais les loges applaudissent… je ne demande pas mieux, et je vais faire comme les loges : — Bravo ! bravissimo ! — Pourquoi se singulariser ? Après la tragédie, la comédie et les farces… moi je croyais la farce jouée.

M. et madame Toussaint, danseurs de Paris, échappés de la Porte-