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voyage autour du monde.

est presque totalement abandonné ; ils oublient, ces hommes aveugles et somnolents, que les communications entre deux provinces sont toujours très difficiles, et quelquefois impossibles, à cause des torrents qui ravagent leurs campagnes et renversent les fragiles barrières qu’on leur avait opposées. Ils refusent de nous faire savoir que de Bahia à Rio, les deux principales villes du Brésil, on ne peut voyager qu’à pied ou à dos de mulet, et qu’une grande route pour les voitures est à peine commencée. Ils ne nous parlent pas non plus de l’obligation où est le voyageur d’apporter avec lui les vivres nécessaires pour sa campagne ; du soin qu’il doit prendre d’amener des esclaves quelquefois peu fidèles, qui lui servent de guides au milieu des forêts et des vastes solitudes.

Nulle auberge dans la route, nulle garantie contre les attaques des peuplades anthropophages, nulles ressources que le courage contre la férocité des onces et des jaguars ; nulle sûreté non plus de la part des guides, que les récompenses ne flattent pas toujours et que les menaces ne sou-