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souvenirs d’un aveugle.

— Vous plaisantez donc toujours ?

— Toujours, même en face du tigre.

Mais les trompettes donnent le signal, et la foule impatiente attend l’issue de la lutte. Silence ! Voyez maintenant le Pauliste ; voyez son coursier qui se tord, se relève, se replie comme un serpent et fait jouer ses jarrets nerveux ; il obéit non-seulement au frein et à l’éperon, mais à la voix, au souffle de son maître. José s’anime comme lui, le nain est devenu géant ; de ce moment on devine le vainqueur, et le colonel semble étonné lui-même.

Les champions vont s’élancer, le colonel le fer en arrêt, le Pauliste agitant au-dessus de sa tête le lacet meurtrier, formant deux ou trois nœuds coulants… Ah ! ah ! s’écrie-t-il deux fois, pour se conformer à son habitude de guerre ; ah ! ah ! et l’on se précipite de part et d’autre. Le lancier a manqué le Pauliste, qui a glissé presque sous le ventre de son cheval. José n’a pas cherché à prendre le lancier, comme s’il avait voulu lui faire grâce une première fois. On s’élance de nouveau, le lacet part, le colonel est enlevé de sa selle et roule dans la poussière sans pouvoir se dégager des