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souvenirs d’un aveugle.

d’un individu de cette nation, en fit demander un au chef dont je vous ai déjà parlé, et lui offrit quelques armes en échange. Celui-ci, plus galant et plus courtois qu’on n’aurait dû le supposer d’un sauvage, lui envoya son propre fils, en lui disant : « Voilà un crane, arrangez-le comme vous voudrez. »

L’enfant reçut chez M. Lansdorff tous les soins qu’on doit au malheur. Le pauvre garçon, âgé de neuf à dix ans, s’attendait tous les jours à être décapité, et ne comprenait pas pourquoi on le traitait avec tant d’humanité.

J’emmenai ce jeune sauvage avec moi dans bien des courses, et les preuves qu’il me donna de son courage, de son adresse et de son agilité ne peuvent se décrire en aucune langue. Il est des choses qu’on aurait bien mauvaise grâce à raconter : il n’y a que les gens qui ont vu des miracles qui puissent y croire.

On trouve aussi au sud-ouest du Brésil une peuplade d’Albinos, pauvres, faibles, souffreteux, n’y voyant bien que la nuit ou après le coucher du soleil. Ils sont blancs de la peau, des cils, des sourcils, des cheveux ; ils ont les yeux et les ongles roses, et se montrent inaccessibles à toute idée de civilisation et de progrès. Le même sol nourrit aussi des chevaux blancs, que Francesco d’Azara appelle Mélados, et qui sont sans