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souvenirs d’un aveugle

Le nom de l’île et le pavillon britannique se trouvent là pour ainsi dire côte à côte, et nous nous humiliâmes devant la domination anglaise qui pèse sur toutes les parties du globe. Les paysages sont plus variés, plus magiques peut-être, mais aussi moins grandioses qu’au Cap de Bonne-Espérance. L’île entière a été vomie par l’Océan dans un jour de colère : mais elle s’est échappée des eaux avec une parure jeune et fraîche qu’on ne trouve nulle part en Afrique, dont pourtant elle est un débris, ainsi que Bourbon, les Séchelles et Madagascar.

Nous avancions toujours, aidés par une brise soutenue, et déjà nous pouvions dessiner les sites heureux si suavement décrits par Bernardin… le morne des Signaux, les plaines embaumées de Minissi et de la Poudre d’Or ; dans un ciel vaporeux, le Pitterboth, montagne si curieuse que nulle autre au monde ne peut lui être comparée, si ce n’est peut-être la Malahita, la plus élevée et la plus difficile à gravir de toutes les cimes neigeuses des Pyrénées. Figurez-vous un cône régulier et pelé, d’une pente extrêmement rapide, au sommet duquel semble tournoyer sur une base exiguë une sorte de toupie de lave. On croirait qu’à chaque ouragan la toupie arrachée de sa base de granit va tomber dans l’abîme et écraser dans son passage les belles et riantes plantations qu’elle domine.