Aller au contenu

Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.1.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
iv
notes scientifiques.

comme un centre d’aspiration, et s’échauffant de nouveau, il circulera sans cesse dans la courbe fermée qu’il aura parcourue une première fois.

Toutes les circonstances dans lesquelles un mouvement circulatoire de l’air s’établit sous nos yeux, d’une manière continue, dans un espace fermé, toutes ces circonstances existent à la surface de la terre, mais cette fois dans des proportions énormes.

La zone échauffée qui déterminera par son contact avec les couches inférieures de l’atmosphère un courant ascensionnel, ce seront les régions équatoriales, formant autour de la terre une large ceinture, et frappées dans toutes les saisons par un soleil également ardent.

La surface froide qui forcera ce courant à se déverser, en se refroidissant, de part et d’autre, des tropiques vers le sol des climats tempérés, ce sont les couches supérieures de l’atmosphère dans les régions élevées où règne, même à l’équateur, un froid perpétuel.

Mais à mesure qu’entre les tropiques il s’établit un courant ascensionnel d’air échauffé par le sol des grands continents, l’air plus froid des zones tempérées vient, en rasant la surface de la terre, remplacer les couches qui s’élèvent.

Et l’air de la surface des zones tempérées est remplacé à son tour par le déversement des couches refroidies dans les hautes régions de l’atmosphère.

Ainsi s’établit des deux côtes de l’équateur et d’une manière permanente une double circulation.

Le seul vent qui semblerait, au premier coup d’œil, résulter de ce transport de l’air à la surface de la terre, ce serait un vent qui, de chaque pôle et dans des directions contraires, soufflerait sans cesse vers l’équateur, c’est-à-dire un vent de nord dans l’hémisphère boréal, un vent de sud dans l’hémisphère opposé.

Et cependant, ce transport de l’air du nord et du sud vers l’équateur n’est que très-peu sensible ; il vient en quelque sorte se perdre dans le transport bien plus rapide qui nous paraît entraîner l’air des régions équatoriales de l’orient à l’occident.

Comment se rendre compte de ces mouvements qui semblent s’accorder si mal avec les données que nous avons admises ?

C’est à la rotation de la terre qu’il faut demander le reste de l’explication.

La terre tourne sur elle-même ; en tournant, elle entraîne l’atmosphère qui l’enveloppe et la presse. Chaque portion d’air, en quelque sorte adhérente au sol par le frottement, acquiert promptement toute la vitesse du sol ; et cependant, si elle ne la possède pas d’abord, il lui faut un certain temps pour l’acquérir.

Mais la vitesse du sol qui résulte de la rotation est très-différente suivant les diverses latitudes.

Qu’on se figure une boule tournant autour d’un de ses diamètres. Les extrémités de cet axe diamétral seront en repos : le grand cercle, dont le plan lui est perpendiculaire, prendra le mouvement le plus rapide. Ainsi, sur la terre, un point de l’équateur décrit en tournant environ sept lieues par minute. À la latitude de Paris, nous ne parcourons guère que cinq lieues dans le même temps. Les pôles demeurent immobiles.

Ce que nous venons de dire de différents points du sol est également vrai de l’air qui les touche.

Ainsi, dans chaque minute, l’air à Paris, l’air des régions tempérées, parcourt deux lieues de moins que l’air, que le sol des régions équatoriales.

Mais si, en se transportant vers l’équateur, par l’effet de la circulation qu’excite la chaleur solaire, l’air des régions tempérées conservait cette énorme infériorité de vitesse, parvenu entre les tropiques, chaque point du sol le devancerait de deux lieues par minute, dans le sens de la rotation de la terre, c’est-à-dire d’occident en orient. Chaque point du sol frapperait l’air et paraîtrait en être frappé, comme si, la terre étant immobile, un vent d’une épouvantable violence soufflait dans la direction opposée, dans celle que semble suivre en effet le vent alizé, de l’est à l’ouest.