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notes scientifiques.

C’est ainsi qu’emportés dans la direction même d’un vent peu rapide, par une voiture qui le devance, nous croyons que l’air qui nous frappe est poussé vers nous en sens contraire de son véritable mouvement.

Et telle est aussi l’explication du vent alizé.

Seulement, au lieu de cette énorme rapidité de deux lieues par minute, le vent alizé n’offre qu’une vitesse médiocre. On aura déjà compris qu’il doit en être ainsi, pour peu qu’on ait songé que l’air des régions tempérées n’arrive que lentement à l’équateur ; que successivement et dans tout le trajet, le frottement sur le sol diminue là différence de vitesse de l’air et des parallèles terrestres qu’il vient traverser.

Par un raisonnement semblable, on arrive à conclure que le courant supérieur qui ramène l’air des couches élevées de l’atmosphère équatoriale, vers la surface de nos climats tempérées, doit tendre constamment à produire des vents d’ouest, C’est, en effet, dans nos climats la direction du vent la plus ordinaire. Mais un grand nombre de causes accidentelles, qui n’existent pas dans le voisinage de l’équateur, masquent fréquemment, chez nous, la partie régulière du phénomène.

Après avoir lu cette explication, peut-être s’étonnera-t-on de nous entendre annoncer que les vents alizés peuvent être encore l’objet d’importantes recherches : mais il faut remarquer que la pratique de la navigation se borne souvent à de simples aperçus dont la science ne saurait se contenter. Ainsi il n’est point vrai, quoi qu’on en ait dit, qu’au nord de l’équateur ces vents soufflent constamment du nord-est ; qu’au sud ils soufflent constamment du sud-est. Les phénomènes ne sont pas les mêmes dans les deux hémisphères. En chaque lieu, ils changent d’ailleurs avec les saisons. Des observations journalières de la direction réelle, et, autant que possible, de la force des vents orientaux qui règnent dans les régions équatoriales, seraient donc pour là météorologie une utile acquisition.

Le voisinage des continents, celui des côtes occidentales surtout, modifie les vents alizés, dans leur force et dans leur direction. Il arrive même quelquefois qu’un vent d’ouest les remplace. Partout où ce renversement du vent se manifeste, il est convenable de noter l’époque du phénomène, le gisement de la contrée voisine, sa distance, et quand on le peut, son aspect général. Pour faire sentir l’utilité de cette dernière recommandation, il suffira de dire qu’une région sablonneuse, par exemple, agirait plus tôt et beaucoup plus activement qu’un pays couvert de forêts ou de toute autre nature de végétaux.

Sur la mer qui baigne la côte occidentale du Mexique, de Panama à la péninsule de Californie, entre et 22° de latitude nord, on trouve, comme nous l’apprendre capitaine Basil Hall, un vent d’ouest à peu près permanent, là où l’on pouvait s’attendre à voir régner le vent d’est des régions équinoxiales. Dans ces parages, il sera curieux de noter jusqu’à quelle distance des côtes l’anomalie subsiste, par quelle longitude le vent alizé reprend pour ainsi dire ses droits.

D’après l’explication des vents alizés la plus généralement adoptée, il doit y avoir constamment, entre les tropiques, un vent supérieur dirigé en sens contraire de celui qui souffle à la surface du globe. On a déjà recueilli diverses preuves de l’existence de ce contre-courant. L’observation assidue des nuages élevés, de ceux particulièrement qu’on appelle pommelés, doit fournir des indications précieuses dont la météorologie tirerait parti.

L’époque, la force et l’étendue des moussons, forment enfin un sujet d’étude dans lequel, malgré la foule d’importants travaux, il y a encore à glaner.