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XIV

NOUVELLE-HOLLANDE

Sauvages anthropophages. — Départ.

Dès que vous avez dit adieu au géant de Bourbon, le Piton-des-Neiges, pour courir à l’est, vous êtes saisi d’une triste pensée, et vous vous demandez involontairement où vous retrouverez une patrie absente. Dans toutes les mers que nous allons sillonner, chaque peuple qui possède une marine a des points de relâche qui lui appartiennent, et son pavillon debout et flottant sur la cime des monts lui dit qu’il trouvera là, à l’antipode de son pays, des amis, des frères, une protection, une patrie nouvelle. Nous, au contraire, si orgueilleux de nos conquêtes continentales, si justement fiers de la gloire passée et présente de notre marine, nous ne trouvons dans ces périlleux voyages de circumnavigation aucun coin de terre où nous puissions nous reposer chez nous. Que possédons-nous en effet dans le vaste océan Indien, aux îles de la Sonde, aux Moluques ? Rien ; nous n’avons rien aux Mariannes, rien à l’ouest de la Nouvelle-Hollande, rien aux Carolines, rien encore dans les mers de la Chine ou du Japon ; rien aux Sandwich, aux Philippines, aux îles des Amis, à celles de la Société ; rien vers la Nouvelle-Galles du Sud, à la Nouvelle-Zélande, à la terre de Van-Diemen ; rien au Chili, au Pérou, sur la côte de Patagonie ; rien du côté du Brésil ou de Rio de la Plata. Et ces îles Malouines, qui doivent leur nom à un habitant de Saint-Malo et non pas à la découverte bâtarde de Falkland, quoi qu’en disent les Anglais, ces Malouines, où nous devons un jour laisser notre belle corvette entr’ouverte, ces Malouines qui viennent de nous être volées par la Grande-Bretagne, pourquoi n’en avons-nous pas revendiqué hautement notre