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XVI

TIMOR

Chinois. — Rajahs. — L’empereur Pierre. — Mœurs.

Je croyais en avoir fini avec ce peuple magot, si avancé et si stationnaire à la fois, si philosophe et si dévotement attaché à des puérilités religieuses et morales, si plein de mépris pour toutes les autres nations et si bien fait pour ramper aux pieds de quiconque voudra l’assujettir ; mais voilà qu’il faut encore que je vous parle de lui pour ne pas mériter le reproche de partialité, si souvent et si justement fait au voyageurs.

Si dans leurs chétives maisons où tout est propre, original, bien ordonné, rien ne dénote le luxe, puisque les cloisons qui séparent les appartements sont en tiges de bambous étroitement serrées, il n’en est pas de même des fastueuses demeures qu’ils se sont données après la mort. Ici tout est grave, solennel ; rien n’y accuse l’avarice ou la mesquinerie : on dirait une éclatante réparation faite à une vie de privations et de gêne. On a voulu que le cadavre fût à l’aise dans son éternelle couche, et les accessoires du lieu, qui vous apprennent que la douleur a duré plus d’un jour, vous disent aussi le respect du fils pour son père ou la tendresse du père pour son fils.

Une description exacte d’un tombeau chinois est impossible ; le dessin seul peut en reproduire l’élégance et le grandiose. C’est d’abord une pierre tumulaire haute de trois pieds au moins, quelquefois aussi de quatre, sur un pied d’épaisseur, debout, taillée avec grâce en ogive, encadrée dans des moulures fort soignées et au milieu de laquelle est un écusson en marbre ou en granit, tantôt en relief et tantôt creusé, où sont gravés le nom et probablement les qualités morales de celui à qui est consacré le monument. Ces caractères sont noirs, rouges et le plus souvent en or. De chaque côté de cette pierre sépulcrale, au pied de laquelle