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voyage autour du monde.

Il paraît qu’il n’existe aucune cérémonie religieuse pour la consécration des mariages. Le prétendant fait au beau-père des présents relatifs à sa fortune et au prix qu’il attache à la possession de l’épouse qu’il vient demander.

Les enfants sont portés à leur paissance dans le Rouma-Pamali, où ils reçoivent rarement le nom de leurs parents.

La famille réunie chante à la mort d’un Malais pendant que son corps est exposé sur des nattes et qu’un esclave, armé d’un éventail de plumes de coq, éloigne les insectes de la figure du défunt.

Le corps, porté par les amis, est jeté dans une fosse où on dépose aussi quelques-uns des meubles qu’il affectionnait le plus : tout disparaît avec lui… jusqu’au souvenir. J’ai assisté à une de ces cérémonies funèbres, où cinq ou six personnes poussaient des cris lamentables. Je les ai trouvées, le lendemain, tranquilles comme si elles n’avaient rien à regretter.

Le sceptre des rajahs est héréditaire : c’est le frère aîné qui succède au gouvernement.

Lorsque tous les frères sont morts ou qu’il n’en a pas existé, le fils aîné du premier rajah ou l’aîné des frères est héritier de la couronne. Les femmes n’ont aucun droit à la succession au trône. Je suis surpris qu’elles aient permis cette loi dans un pays où elles paraissent régner sur les souverains, lesquels seuls, parmi tous ces hommes, montrent une grande considération pour leurs favorites.

Les rajahs ont sous leurs ordres des officiers nommées toumoukouns, seuls dignitaires qui séparent le souverain de son peuple. Le nombre de ces officiers est relatif à la puissance du rajah. Celui de l’île de Dao en a sept ; Bao, roi de Rottie, en a dix-huit.

Parmi les peuples appelés à défendre les Hollandais dans la guerre qu’ils ont à soutenir, on remarque les guerriers de Savu et de Solor, qui presque tous servent volontairement. Ceux de Solor surtout donnent dans les combats des exemples d’une cruauté repoussante. On assure que dès qu’ils ont fait tomber un ennemi, ils se jettent sur lui et l’achèvent avec leurs dents. En général leurs combats sont très meurtriers, et il suffit d’une bataille pour décider de l’issue de la campagne.

L’île est aujourd’hui un vaste théâtre de rapines, de meurtres et de cruautés. Le gouverneur hollandais Hazaart, ancien officier de marine, s’est, à la tête de dix mille hommes, campé dans intérieur pour s’opposer à la levée de boucliers du rajah Louis, dont on dit tant de merveilles.

Louis est chrétien, fils de Tobany, roi d’Amanoébang, pays situé à cinq jours de marche à l’est de Koupang, au milieu des possessions hollandaises. Il fut élevé dans la religion catholique, et las enfin des tributs onéreux que lui imposaient les Hollandais, il résolut de se déclarer libre