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voyage autour du monde.

patience, un seul regard d’inquiétude, et nous étions massacrés, et nous étions dévorés.

Ombay est une île grande et montagneuse, âpre, volcanique, pelée, excepté dans les ravins où les eaux, tombant des hauteurs, apportent un peu de fraicheur et de vie. Les côtes de Timor, que nous avions longées avant d’arriver au détroit qui les sépare, se dessinent à l’ail sous les formes les plus bizarres et les plus sauvages. Dans l’éloignement et à travers un réseau de nuages fantastiques, se montrent les sommets aigus de Lifao, Koussy, Goula-Batou, disparurent, et nous louvoyâmes enfin, drossés par les courants, en face de Batouguédé, sol si singulièrement taillé qu’on dirait un amas immense de noirs et gigantesques pains de sucre échelonnés jusqu’à une hauteur de plus de douze cents mètres. Tous ces cônes réguliers et rapides sont, à coup sûr, d’anciens cratères de volcans ; les laves profondes ont envahi le rivage.

Mais un soleil vertical nous brûlait de ses rayons les plus ardents ; nos matelots épuisés tombaient frappés à mort sous les coups d’une dyssenterie horrible, et l’eau douce manquait, car depuis vingt-quatre jours nous avions quitté Koupang ; et c’était là, selon toutes nos prévisions, le plus long terme que nous avions assigné à notre traversée jusqu’à Waiggiou. Le matin, une légère brise nous poussait insensiblement ; le calme de la nuit nous laissait dans un repos parfait ; et le lendemain, grâce aux