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voyage autour du monde.

J’étais en extase, car je croyais voir là une de ces suaves apparitions fantastiques que vous caressez dans vos rêves quand vous vous êtes endormi heureux du bonheur de la veille et plein d’espérance pour le lendemain. Sur un mouvement rapide du Chinois, la cloison allait se refermer ; mais je m’élançai et j’arrêtai fortement le volet, car je tenais à savoir aussi comment était faite et meublée la chambre à coucher d’une jeune Chinoise ; et si les devoirs de l’hospitalité, auxquels je manquais déjà légèrement, m’imposaient l’obligation de ne pas y pénétrer, la précieuse ouverture par où plongeaient mes regards me permettait au moins de fouiller dans ce réduit mystérieux qu’on m’interdisait. À ma place, n’en auriez-vous pas fait autant ?

Le lit sur lequel reposait la jeune fille était bas, sans matelas, recouvert d’une fine natte de Manille qui tombait drapée des deux côtés ; à chaque angle de la couche se dressait un dragon de quatre ou cinq pouces de haut, peint en noir et ayant des yeux d’émail, ouvrant de larges ailes bariolées de vert, de jaune et de rouge ; un cerceau en tige de bambou coupée en deux partait de la tête et aboutissait au sol, formant une courbe à deux pieds et demi ou trois de la natte supérieure ; sur cette courbe une