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voyage autour du monde.

leurs têtes vers le ciel et leurs racines au fond des eaux ; des branches effilées, épineuses, polies, droites ou tortues, se croisent, se mêlent, sans que vous puissiez dire à quel pied elles appartiennent ; un silence religieux règne dans cet amas de verdure et de feuillage. L’île entière n’est qu’un arbre gigantesque, éternel, qui dispute sa place aux flots et descend avec eux jusqu’au fond des abîmes.

La corvette était mouillée au large, le calme venait de nous saisir de nouveau, et dans l’espérance de nouvelles conquêtes botaniques ou zoologiques, le commandant fit armer un canot sous les ordres de Bérard pour aller visiter Pissang. MM. Quoy, Gaudichaux et moi, nous accompagnâmes notre ami, et retournâmes à bord sans avoir pu faire plus de trois pas sur cette île impénétrable. Seulement, au pied d’un rima, nous trouvâmes quelques débris de coquillages et la trace de feux récemment éteints ; le roi de Guébé avait probablement passé par là, et il faut que je vous fasse le portrait de ce roi de Guébé.

Vous avez remarqué sans doute de ces vieilles figures de renards empaillés que les fourreurs placent debout derrière les vitres de leur maga-