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notes scientifiques.

Lorsque le rayon de lumière passe au contraire d’un milieu plus dense dans un autre qui l’est moins : 1o si le rayon est compris entre la perpendiculaire et la direction du rayon brisé qui fait l’angle du maximum, ce rayon sort dans le milieu moins dense ; 2o si le rayon a la direction du rayon brisé dans l’angle maximum, il sort encore en faisant un angle de 90° avec la perpendiculaire, ou en restant dans le plan tangent à la surface. Mais si l’angle que le rayon fait avec la perpendiculaire est plus grand que le maximum de l’angle de réfraction, ou, ce qui revient au même, si le rayon est compris entre la surface et le rayon brisé dont l’angle est maximum, il ne sort pas du milieu dense ; il se réfléchit à la surface, et rentre en dedans du même milieu, en faisant l’angle de réflexion égal à l’angle d’incidence, ces deux angles étant dans un même plan perpendiculaire à la surface.

C’est sur cette dernière proposition qu’est principalement fondée l’explication du mirage.

La transparence de l’atmosphère, c’est-à-dire la faculté qu’elle a de laisser passer, avec une assez grande liberté, les rayons de lumière, ne lui permet pas d’acquérir une température très-haute par sa seule exposition directe au soleil ; mais quand, après avoir traversé l’atmosphère, la lumière, amortie par un sol aride et peu conducteur, a considérablement échauffé la surface de ce sol, c’est alors que la couche inférieure de l’atmosphère, par son contact avec la surface échauffée du terrain, contracte une température très-élevée.

Cette couche se dilate ; sa pesanteur spécifique diminue ; et, en vertu des lois de l’hydrostatique, elle s’élève jusqu’à ce que, par le refroidissement, elle ait recouvré une densité égale à celle des parties environnantes. Elle est remplacée par la couche qui est immédiatement au-dessus d’elle, au travers de laquelle elle tamise, et qui éprouve bientôt la même altération. Il en résulte un effluve continuel d’un air raréfié s’élevant au travers d’un air plus dense qui s’abaisse ; et cet effluve est rendu sensible par des stries qui altèrent et agitent les images des objets fixes qui sont placés au delà.

Dans nos climats d’Europe, nous connaissons des stries semblables et produites par la même cause ; mais elles ne sont pas aussi nombreuses, et elles n’ont pas une vitesse ascensionnelle aussi grande que dans le désert, où la hauteur du soleil est plus grande, et où l’aridité du sol, ne donnant lieu à aucune évaporation, ne permet aucun autre emploi du calorique.

Ainsi, vers le milieu du jour, et pendant la grande ardeur du soleil, la couche de l’atmosphère qui est en contact avec le sol est d’une densité sensiblement moindre que les couches qui reposent immédiatement sur elle.

L’éclat du ciel n’est dû qu’aux rayons de lumière réfléchis en tous sens par les molécules éclairées de l’atmosphère. Ceux de ces rayons qui sont envoyés par les parties élevées du ciel, et qui viennent rencontrer la terre en faisant un assez grand angle avec l’horizon, se brisent en entrant dans la couche inférieure dilatée, et rencontrent la terre sous un angle plus petit. Mais ceux qui viennent des parties basses du ciel, et qui forment avec l’horizon de petits angles, lorsqu’ils se présentent à la surface qui sépare la couche inférieure et dilatée de l’atmosphère de la couche plus dense qui est au-dessus d’elle, ne peuvent plus sortir de la couche dense ; d’après le principe d’optique rapporté ci-dessus, ils se réfléchissent vers le haut, en faisant l’angle de réflexion égal à celui d’incidence, comme si la surface qui sépare les deux couches était celle d’un miroir, et ils vont porter à un œil placé dans la couche dense l’image renversée des parties basses du ciel que l’on voit alors au-dessous du véritable horizon.

Dans ce cas, si rien ne vous avertit de votre erreur, comme l’image de la partie du ciel, vue par réflexion, est à peu près du même éclat que celle qui est vue directement, vous jugez le ciel prolongé vers le bas, et les limites de l’horizon vous paraissent et plus basses et plus proches qu’elles ne doivent être. Si ce phénomène se passait à la mer, il altérerait les hauteurs du soleil, prises avec l’instrument, et il les augmenterait de