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notes scientifiques.

toute la quantité dont il abaisserait la limite apparente de l’horizon. Mais si quelques objets terrestres, tels que des villages, des arbres, ou des monticules de terrain, vous avertissent que les limites de l’horizon sont plus éloignées, et que le ciel ne s’abaisse pas jusqu’à cette profondeur, comme la surface de l’eau n’est ordinairement visible, sous un petit angle, que par l’image du ciel qu’elle réfléchit, vous voyez une image du ciel réfléchie, vous croyez apercevoir une surface d’eau réfléchissante.

Les villages et les arbres qui sont à une distance convenable, en interceptant une partie des rayons de lumière envoyés par les régions basses du ciel, produisent des lacunes dans l’image réfléchie du ciel. Ces lacunes sont exactement occupées par les images renversées de ces mêmes objets, parce que ceux des rayons de lumière qu’ils envoient et qui font avec l’horizon des angles égaux à ceux qui formaient les rayons interceptés, sont réfléchis de la même manière que ceux-ci l’auraient été. Mais comme la surface réfléchissante qui sépare les deux couches d’air des densités différentes n’est ni parfaitement plane ni parfaitement immobile, ces dernières images doivent paraître mal terminées et agitées sur leurs bords, comme seraient celles que produirait la surface d’une eau qui aurait contracté de légères ondulations.

On voit pourquoi le phénomène ne peut avoir lieu lorsque l’horizon est terminé par des montagnes élevées et continues ; car ces montagnes interceptent tous les rayons envoyés par les parties basses du ciel, et ne laissent passer au-dessus d’elles que des rayons qui sont avec la surface dilatée des angles assez grands pour que la réflexion ne puisse plus avoir lieu.

Dans un état constant de choses, c’est-à-dire en supposant que la densité et l’épaisseur de la couche dilatée soient constantes, et que la température de la couche supérieure soit invariable, le plus grand angle sous lequel les rayons de lumière puissent être ainsi réfléchis est entièrement déterminé et constant entre les sinus des angles d’incidence et de réfraction pour les deux milieux. Or, de tous les rayons réfléchis, ceux qui forment le plus grand angle avec l’horizon paraissent venir du point le plus voisin et auquel commence le phénomène. Donc, dans un état constant de choses, le point auquel commence le phénomène est à une distance constante de l’observateur : en sorte que, si l’observateur se meut en avant, le point où commence l’inondation apparente doit se mouvoir dans le même sens et avec la même vitesse. Donc, si la marche est dirigée vers un village qui paraisse au milieu de l’inondation, le bord de l’inondation doit paraître se rapprocher insensiblement du village, l’atteindre, et, bientôt après, paraître situé au delà de lui.

Lorsque le soleil est près de l’horizon, à son lever, la terre n’est pas encore assez échauffée ; à son coucher, elle est déjà trop refroidie pour que le mirage puisse avoir lieu. Il paraît donc très-difficile qu’indépendamment de l’image directe du soleil on en voie une seconde, réfléchie à l’occasion de la température élevée de la couche inférieure de l’atmosphère. Mais, dans le second quartier de la lune, cet astre se lève après midi, et pendant que les circonstances sont encore favorables au mirage. Si donc l’éclat du soleil et la clarté de l’atmosphère permettent alors qu’on aperçoive la lune à son lever, on doit voir deux images de cet astre, l’une au-dessus de l’autre, dans le même vertical. Ce phénomène est connu sous le nom de parasélène.

La transparence de l’eau de la mer permet aux rayons de lumière de pénétrer dans son intérieur, jusqu’à une profondeur assez considérable : sa surface, par son exposition au soleil, ne s’échauffe pas à beaucoup près autant que le ferait un sol aride, dans les mêmes circonstances ; elle ne communique pas à la couche d’air qui repose sur elle une température très-élevée ; le mirage ne doit donc pas être aussi fréquent en mer que dans le désert ; mais l’élévation de température n’est pas la seule chose qui, sous une pression constante, puisse dilater la couche inférieure de l’atmosphère. En effet, l’air a la faculté de dissoudre l’eau, sans perdre sa transparence ; et Saussure a fait voir que la pesanteur spécifique de l’air décroît à mesure qu’il tient une plus grande quantité d’eau