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SOUVENIRS D’UN AVEUGLE.

lutter avec les naturels de Rawack dans l’art de prédire la veille le temps du lendemain, et dès que vous les voyez ici abritant leurs pros loin du rivage, soyez sûrs qu’il y aura bientôt bourrasque à l’air ou sur les flots.

Ce peuple est casanier, apathique, silencieux ; il naît, il vit, il multiplie, et son existence ne sort des limites qu’il s’est tracées qu’alors qu’un navire européen vient relâcher dans ces parages, ce qui, je crois, ne lui arrive guère qu’une fois chaque quatre ou cinq ans.

Voyez ces individus, assis là sur le sable, aux rayons d’un soleil dévorant, insensibles à ses flèches aiguës.

Ils sont tous, ou presque tous, courts, trapus, d’un noir sale ; leur front est déprimé, leurs yeux petits, sans feu, sans animation ; sur leur tête grosse et lourde pousse une si prodigieuse quantité de cheveux longs et crépus qu’on dirait un échafaudage de monstrueuses perruques, paisible refuge de myriades d’insectes qu’il n’est pas nécessaire que je vous nomme. Les joues des naturels de Rawack sont larges et pendantes, quelques poils épars et inégaux les ornent d’une façon peu gracieuse, et leur lèvre supérieure, pareille à celle des nègres d’Angole et de Mozambique, est ombragée d’une moustache, mais d’une seule moustache qui ne couvre que la moitié de la bouche, car l’usage du pays, ou peut-être un fanatisme religieux, défend d’en porter des deux côtés. Maintenant ajoutez à ces charmes séduisants une poitrine large et velue, des épaules charnues