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SOUVENIRS D’UN AVEUGLE.

ment sont parfaitement entretenues et ne laissent aucune issue au vent, à la pluie ou aux insectes.

Ce sont des cases basses, carrées, avec charpente au plafond, bâties en tiges de bambou et en feuilles de palmistes ; une porte étroite est pratiquée à la façade ; un homme accroupi peut aisément y passer et visiter l’intérieur, où sont placés et renouvelés des ex-voto, pieux garants d’une tendresse qui survit à la tombe. Dans le principal de ces édifices nous avons trouvé des bandelettes en laine et soie de diverses couleurs, fixées sur des bâtons debout ; un énorme coquillage, de la classe des bénitiers, plusieurs armes brisées, un grossier escabeau et une assiette en porcelaine chinoise ; sur le devant et en dehors étaient placés, par rang de taille, cinq crânes fort propres et fort bien conservés, et le tout se trouvant, pour ainsi dire, abrité sous une pirogue renversée, image peut-être de la vie qui venait de s’éteindre. Quelques figures grossièrement taillées, probablement les divinités du lieu, se faisaient remarquer auprès des tombeaux et au dedans ; mais ces figurines, tantôt debout à cheval sur un morceau de bois aigu, tantôt couchées sur la terre ou le gazon, paraissaient avoir été presque toutes mutilées. Les hommes, dans leur aveugle colère, se vengent même de leurs dieux.