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souvenirs d’un aveugle.

ques des premiers explorateurs des mers glaciales, qui avaient nommé kraken un monstre auquel ils donnaient mille bras, d’une dimension gigantesque, appelant à lui des légions innombrables de poissons nécessaires à son existence, comblant de son volume les mers les plus profondes, et égalant en hauteur ces montagnes secondaires qui servent d’échelons aux cimes neigeuses les plus élevées du monde.

Ces fameux cétacés ont disparu ; la baleine a repris la place qu’elle doit occuper dans les caprices de Dieu, et sa place est encore la première, car ni l’hippopotame, ni l’éléphant, ni les rhinocéros, les plus gros animaux qui pèsent sur la terre, ne peuvent lui être comparés.

Néanmoins ne repoussons pas aujourd’hui toute idée contredite par des études récentes ; il demeure incontestable que bien des espèces se sont abâtardies. Des animaux inconnus à tous les climats ont laissé dans les entrailles de la terre, où on les a étudiées, des traces de leur existence à des époques éloignées, et nous ne voyons pas pourquoi la baleine n’aurait pas subi également cette loi de déprogression à laquelle ont été soumises tant de merveilles.

Les naturalistes le moins disposés à l’exagération ne repoussent point la pensée de l’existence de baleines d’une dimension de plus de cent mètres, et ils se basent sur des découvertes dont nous n’avons pas mission de constater l’authenticité. Quoi qu’il en soit, les baleines que nos intrépides pêcheurs vont chercher dans leur empire n’égalent pas ces gigantesques proportions, et la longueur avérée des plus colossales ne dépasse guère quarante-cinq ou cinquante mètres.

Je vous l’ai dit, et vous le savez, je suis courtois. En vous offrant le