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souvenirs d’un aveugle.

ceux d’Amérique, où les chaleurs tropicales, combattues par les vents froids et quelquefois glacés arrivant des neigeuses Cordillères, rendent à tout ce qui respire ce calme, cette harmonie si nécessaires aux caractères tempérés ?

Là-bas, en effet, des sables, l’immensité muette, terrible par son silence, plus terrible encore par le siroco brûlant qui la balaie ; ici, les chants des oiseaux, des vallées délicieuses, un ciel parfumé, une terre féconde ; d’une part, la sécheresse des roches sans source, sans fraîcheur ; de l’autre, la majesté imposante de larges fleuves traversant des pays où la plus riche végétation semble leur disputer la conquête du sol. En Afrique, tout effort est presque impuissant pour soutenir une vie de souffrance et de carnage. En Amérique, une nourriture abondante est offerte à tout ce qui respire. La guerre apprend la cruauté ; le malheur excite les passions des âmes ; le repos c’est le bonheur, et le bonheur c’est l’humanité.

Les navires baleiniers ont ordinairement de trente-cinq à quarante mètres de longueur ; on les double d’un bordage de chêne assez fort pour résister au choc des glaçons ; ils portent de trente à quarante-cinq hommes d’équipage, y compris le capitaine, le chirurgien et les chefs de pirogues, qui sont considérés comme officiers. Chaque navire baleinier a de six à neuf chaloupes de huit mètres de long, de deux de large et d’un mètre de profondeur. Un ou deux harponneurs sont destinés à chaque chaloupe ; on les choisit parmi les hommes de l’équipage les plus forts, les plus adroits, les plus expérimentés pour diriger l’embarcation suivant la marche de la baleine, lors même que celle-ci nage entre deux eaux, et assez habiles pour la frapper quand elle se montre à la surface pour respirer l’air par ses évents.

Les instruments indispensables pour cette pêche sont le harpon et la lance. Le harpon est un dard triangulaire, barbelé sur les bords, et dont la tige en fer a trois pieds de long ; il se termine par une douille prolongée par un manche d’égale longueur ou de cinq pieds au plus ; au-dessus de la douille est une boucle en chanvre natté à laquelle est fixé le funin qu’on nomme ligne, dont la grosseur ordinaire est d’un pouce et demi à peu près, et long de cent quarante à cent cinquante brasses.

La lance est différente du harpon en ce que son fer n’a point d’ailes, afin de la pouvoir retirer facilement, car elle ne se darde point comme celui-ci et ne quitte pas la main du matelot agresseur ; sa longueur est de quatorze pieds, y compris la hampe qui en a huit.

Nous lisons dans Albert que les pêcheurs ses contemporains, au lieu de jeter le harpon, le lançaient à l’aide d’une baliste.

Schneider prétend que les Anglais ont essayé de remplacer la baliste par une arme à feu, afin d’atteindre le cétacé d’une plus grande distance.

Et dans l’Histoire des Pêches des Hollandais, traduite par M. Dereste, nous voyons que ce peuple a obtenu un meilleur résultat que les Anglais,