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souvenirs d’un aveugle.

les hardis Catalans venaient de se joindre, et leurs premières expéditions furent brillantes et lucratives. Plus tard, mais après un court intervalle de temps, les Hollandais disputèrent les mers polaires aux Anglais, leurs rivaux ; mais, comme ils craignaient beaucoup le feu qui menaçait sans cesse leurs navires, ils établirent un comptoir près du pôle arctique, où l’huile se fabriquait immédiatement après la pèche du monstrueux cétacé. De sorte qu’en moins de quatre années, ce comptoir, à côté duquel s’élevèrent des comptoirs nouveaux, fut aussi riche, aussi animé qu’Amsterdam lui-même. On cherche vainement aujourd’hui la place occupée par ces divers établissements européens, car la civilisation et le commerce ne se contentent pas seulement de bâtir, ils ont aussi leurs jours d’incendie et de destruction.

Je ne suivrai pas dans toutes ses phases de succès ou d’encouragement le résultat des pèches de la baleine dans les mers les plus difficiles du monde mes recherches à cet égard m’entraîneraient trop loin ; mais un résumé de quelques lignes dira à ceux pour qui les bienfaits de l’industrie ne sont point une futilité, les époques précises des conquêtes tentées par les intrépides marins dont les dangers surgissaient d’autant plus grands que l’expérience ne leur était pas encore en aide. La chronologie est une science.

Aux douzième et treizième siècles, les baleines étaient en grand nombre près des côtes françaises ; de fréquentes pèches les poussèrent vers les latitudes septentrionales.

En 1672, par une prime l’Angleterre encouragea les pêcheurs ; en 1695, une société se forma dans le même but, et les sommes versées par les souscripteurs se montèrent à près de cent mille livres sterling. Ils triomphèrent ainsi des efforts que les Basques et les Hollandais tentaient vainement afin de leur interdire la pêche sur les côtes du Spitzberg, du Groënland et dans le détroit de Davis.

Dès 1765, Ansticot, Rhode-Island, armèrent un grand nombre de vaisseaux pêcheurs ; deux ans après, cent soixante-quatre navires bataves poursuivirent les baleines dans le Groënland et le détroit de Davis. En 1768, le grand Frédéric équipa plusieurs navires baleiniers et obtint d’immenses succès, car lui aussi ne se contentait pas d’une seule gloire. En 1774, ce fut une compagnie suédoise qui spécula sur les produits de cette pêche. En 1775, le roi de Danemarck fournit des bâtiments appartenant à l’État, qui rivalisèrent avec bonheur contre les navires de commerce. Le parlement anglais jeta en 1779 For et les faveurs comme un encouragement aux pêcheurs de baleines qui venaient enrichir la métropole.

La France arma à ses frais, en 1784, six bâtiments destinés à cette pêche, et fit venir à Dunkerque plusieurs familles de l’île de Nantuckett, très-habiles harponneurs de baleines éprouvés dans mille rencontres. En