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XXVI

LES EXPLORATEURS

Ceci est mon opinion ; libre à vous de la contrôler.

Je ne voudrais près de moi, si j’étais chef d’une expédition scientifique autour du monde, qu’un jeune équipage, de jeunes naturalistes, de jeunes astronomes, de jeunes dessinateurs, de jeunes écrivains, car je voudrais aussi des écrivains.

Après les mémoires authentiques, certes les ouvrages les plus curieux et les plus instructifs sont, sans contredit, les relations de voyage, alors surtout que l’explorateur s’est dégagé du pédantisme de la science et a raconté avec chaleur et précision. Bien dire et bien voir sont deux qualités fort rares, je vous jure ; et je connais des hommes qui, par esprit de contradiction et parce qu’ils ont été précédés dans la carrière, aiment mieux lutter contre l’évidence des faits et des choses que d’en constater l’exactitude.

Il y a des vérités d’un jour comme il y a des vérités éternelles ; et souvent ce ne sera pas le voyageur avec lequel vous vous trouvez le plus en opposition qui aura été le moins fidèle et le moins précis. Les usages, les mœurs, subissent des modifications si étranges, si rapides, qu’il serait généralement vrai de dire que le peuple de la veille n’est plus le peuple du lendemain, et qu’il y a souvent logique à se donner à soi-même un formel démenti. J’ai lu, je crois, tous les grands voyages qui ont été publiés, depuis Humboldt jusqu’à ce pauvre Caillé qui pourtant a peut-être vu Tombouctou ; et ce que j’ai avant tout cherché à vérifier, c’est l’exactitude des descriptions physiques des choses et des hommes. Si j’ai trouvé la source que vous m’avez indiquée, si j’ai lutté contre le torrent qui a