Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.1.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
337
voyage autour du monde.

Carterets est de l’école de Dampier : c’est la bonne, c’est celle qui récolte et produit, c’est celle qui doit servir de modèle à qui veut apprendre et enseigner.

Lapeyrouse ! les frères Laborde ! quelles horribles catastrophes en un seul voyage ! Les paroles sorties de l’Océan ont vibré si faibles, si ténébreuses, qu’il y a peut-être encore là un beau problème à résoudre.

Marchand est sans contredit un des voyageurs les plus consciencieux, et la relation de ses courses et de ses dangers est faite avec une sorte de bonhomie et d’abandon qui exclut toute supposition de mensonge ou de forfanterie. C’est là un livre utile à tout explorateur.

L’éloquent Péron était trop avide de science ; sa relation est instructive, mais peu amusante, et le monosyllable moi se présente trop souvent aux yeux du lecteur.

Citons encore et sans ordre des noms qui reviennent à ma mémoire comme de vifs rayons d’une gloire immortelle. Magellan, fugitif devant une tempête, se réfugie dans un bras de mer où il espère trouver un port. Il s’y enfonce à travers mille périls, et, après quelques jours d’une lente navigation, au milieu de courants contraires, il résolut un grand problème vainement cherché jusqu’à lui. Le vaste océan Pacifique sera visité par l’ouest. Les récits de Magellan sont plus vrais que ses cartes ne sont exactes, et pourtant ce n’est pas la science qui a manqué à ce hardi navigateur, c’est la patience, sorte de courage plus rare encore que celui qu’on appelle bravoure.

Davis ne demande que des dangers et des tempêtes. Sa vie de prédilection, à lui, est celle qu’il passe près des côtes et au milieu des récifs. Il découvre le détroit célèbre qui porte son nom, et se place à côté des plus habiles explorateurs.

Après le massacre au milieu duquel Cook fut frappé de mort à Owhyée, King prit le commandement du vaisseau britannique qui devait revenir en Angleterre, veuf du grand capitaine qui jusque-là l’avait si hardiment piloté. King glisse inaperçu à côté de son maître.

Dirai-je les noms glorieux des Albuquerque, des Dias de Solis, des Vasco de Gama, des Cabral, dont le Portugal est si fier, et dont les autres nations sont si jalouses ? Il y a dans les relations de ces intrépides explorateurs un parfum de fanfaronnade tout à fait en harmonie, je vous jure, avec ces nobles soldats qui se promenèrent si victorieusement dans toutes les Indes et soumirent tant de peuples.

Que vous dirai-je de ce brave et infortuné Jacquemont dont les touchantes lettres ont tant de charme, d’intérêt et d’éloquence à la fois qu’on croirait lire les brillantes pages de Walter Scott et de Chateaubriand ? Hélas ! dans ces courses hardies, ce sont presque toujours les plus intrépides qui succombent, ce sont presque toujours les plus dignes dont la vie s’éteint au milieu des fatigues de leur gloire. Le style de Jac-