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souvenirs d’un aveugle.

— La vérité.

— Et la vérité ?

— C’est que nous avons vu le double miracle qu’il nous a priés de venir constater.

— Lui montrerons-nous ce sable rouge ?

— C’est le sang de frère saint Victorès qui l’a rougi.

— Mais le miracle devrait planer sur l’eau.

— N’en est-il pas ainsi ?

— Tenez, voilà le flot qui monte, la teinte qui s’efface et le phénomène qui s’évanouit. N’importe, demain à la marée basse le miracle recommencera dans la crique, celui du tertre se perpétuera par l’inspection quotidienne du pauvre homme de la cabane, et le gouverneur Médinilla aura raison contre l’incrédulité.

La naïve Mariquitta, un peu honteuse de nos recherches et de leurs conséquences, prit mon bras et m’accompagna silencieuse jusqu’à Agagna, où nous arrivâmes tous pour la collation du soir au palais du gouvernement.

— Êtes-vous bien convaincu, senor Arago ? me dit M. Médinilla d’un air triomphant.

— Oui, senor : le frère saint Victorès était un saint apôtre pour qui le ciel a été ouvert, et Matapang un scélérat qui cuira éternellement dans la marmite de Lucifer.

— J’étais bien sûr de votre conversion. Mettons-nous à table.