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XXXVI

ÎLES MARIANNES

Historiette. — Maladies. — Détails. — Mœurs.

Hormis la paresse et le vol, qui en est une conséquence logique, les Mariannais n’ont pas de grands défauts à se reprocher, car le libertinage n’en est pas un à leurs yeux, puisque personne ne leur a dit ce qu’il offrait de dégradant, et que ceux-là mêmes qui, plus avancés, devraient le réprimer et le punir, sont les premiers à le faire tourner au profit de leurs plaisirs et de leur immoralité. Au surplus, comme les visites des Européens dans cet archipel sont extrêmement rares, les occasions de faillir offertes aux jeunes filles ne se présentent par conséquent qu’à de longs intervalles, et il est vrai de dire qu’entre eux les Tchamorres ne se piquent pas d’une exquise galanterie.

Ce que les Mariannais aiment beaucoup de la part des étrangers, c’est de la bienveillance, de la bonhomie, de la cordialité. Entrez dans une maison en disant : Ave, Maria, présentez la main au patron, donnez une tape aux marmots, embrassez la femme du maître du logis une fois (mais une fois seulement), couvrez de baisers les filles, les cousines, les jeunes visiteuses, tutoyez tout le monde, et vous êtes sûr d’être traité en frère, en ami, en vainqueur. Ne vous gênez pas ; il y a là des galettes de sicas : mangez-en ; il y a là aussi un moelleux hamac : livrez-lui vos membres fatigués ; une main de femme va vous bercer avec une régularité à ne pas faire attendre longtemps le sommeil ; si vous voulez veiller, fumez un excellent cigare qui vous est offert avec franchise, et écoutez les cantiques latins, ou plus souvent encore les chants monotones de quelque vieille romance psalmodiée d’une voix nasillarde, mais toujours amusante par son étrangeté. Cela fait, votre devoir vous impose une obligation ; la voici :