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souvenirs d’un aveugle.

pas de diamètre ; un cercle plus grand entoure le premier, et indique l’intervalle que doivent parcourir les exécutants, avec défense de s’en éloigner. La jeune fille commence l’attaque par de petites mines, de petites grimaces qui disent que son cœur bat plus vite que de coutume ; le galant la suit du regard, et lui répond, par des mines analogues, que son émotion est partagée. Là-dessus, la première bondit de joie et sur place, tandis que l’amoureux s’agite à droite et à gauche avant d’exécuter la course rapide qui doit lui livrer sa conquête. Il part enfin avec des gestes de tendresse, des mouvements de hanche et de corps tout à fait libres ; la coquette évite la recherche du galant : elle le tourmente, elle le boude, elle lui sourit, elle se laisse légèrement toucher de la main ; près d’être soumise, elle reprend son élan, s’esquive, implore, menace, gronde et pardonne à la fois ; vaincue enfin, elle tombe à genoux, tremblante ; frétille, se relève, se penche, tend les bras, se laisse prendre un baiser sur les épaules, puis sur ses joues rosées, puis sur ses yeux brillants… et le drame est fini. Quelle analogie avec la chika de l’Île-de-France ! mais quelle différence pourtant de l’une à l’autre ! Là-bas, une orgie ; ici, une fête ; là-bas, de la boue, des hurlements ; ici, des fleurs, des soupirs, une harmonie suave à l’âme ! N’importe, les deux chikas sont sœurs indubitablement.

Après ces danses si joyeuses, auxquelles nous assistions tous les jours avec tant de plaisir, et dont nous encouragions les acteurs par quelques bagatelles propres à ranimer leur ardeur, le jeu favori de la colonie est le combat de coqs. Il a lieu tous les dimanches surtout, en face du palais