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voyage autour du monde.

la journée pour écraser la vermine qui les dévore. Approchez-vous, le soir de ces malheureux, proposez-leur les moyens d’utiliser leurs moments, ils riront de vos offres, fumeront paisiblement leur cigare, se coucheront sur un tas de pierres et s’endormiront en comptant un jour de plus, sans s’embarrasser de celui qui va suivre. Heureux de leur indolence, ils se lèveront le lendemain avant le soleil, mendieront de nouvelles occupations, et dès que leur pitance sera gagnée, les promesses les plus brillantes ne les forceront pas à quitter la pierre ou le banc sur lequel ils étalent leur sotte arrogance et leur avilissante paresse.

Peut-on appeler habitants de Gibraltar ces juifs cosmopolites qui ne se fixent dans un pays qu’autant qu’il y a des dupes à dépouiller ou d’infâmes bénéfices à faire ?

Le nombre en est fort grand ici ; on m’assure qu’ils composent les deux tiers de la population ; qu’eux seuls y sont considérés et traités avec faveur… Pauvre Gibraltar !

En temps de guerre, les forces de la garnison sont toujours proportionnées aux craintes qu’on éprouve. En temps de paix, elles varient selon les caprices du gouverneur ou la situation politique des esprits. Lorsque Cadix secoue au soleil son vieux manteau d’esclave, lorsque Malaga se réveille de son assoupissement, lorsque Algésiras est traversé par d’auda-