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Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.2.djvu/336

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souvenirs d’un aveugle.

menaçante, je saisis un de mes pistolets et lui fis signe de s’arrêter. À la vue de mon arme, il s’arrêta en effet, me regarda d’un œil

féroce, articula quelques sons brefs et éclatants, posa à ses pieds son magnifique casse-tête emmanché, me montra le second taillé en spatule, et me donna à comprendre qu’il voulait l’échanger contre mon pistolet. Je répondis de mon mieux à sa proposition ; je lui dis d’une façon fort intelligible que j’acceptais l’échange, et comme il approchait encore pour le conclure, je déchargeai le coup en l’air. À cette action, toute de prudence et non de peur, mon perfide sauvage parut se récrier, gambada d’une manière menaçante, rompit le traité et s’éloigna pour ressaisir le grand casse-tête laissé à terre. Je m’étais attendu à tout cela ; j’avais saisi mon second pistolet, et de crainte qu’il ne le prît pour le premier, dont il n’avait en ce moment plus rien à redouter, je les lui montrai tous les deux, bien déterminé, au moindre signal d’attaque, à faire feu sur la poitrine du monarque ciselé. Tout régicide, là-bas, mérite bien de l’humanité. À l’aspect de mes armes et à l’attitude décidée que j’avais prise, le Zélandais s’arrêta de nouveau, me sourit aussi gracieu-