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Page:Arago - Souvenirs d’un aveugle, nouv. éd.1840, t.2.djvu/56

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SOUVENIRS D’UN AVEUGLE

d’Yapa sont venus pour tuer nos frères et enlever nos femmes, ils ne seraient point repartis avec leurs conquêtes, car le fils de Mélisso, armé du bâton et de la fronde, les eût forcés à se rembarquer.

« Maintenant il n’est plus, mon fils tant adoré ! Pleurons tous, couvrons-nous de cendres ; brûlons ses restes précieux, de peur qu’ils ne soient attaqués par les animaux de la terre ! Qu’avec la flamme qui purifie, il monte là-haut, là-haut ! Et puisse-t-il ne jamais venir nous visiter pour lancer sur nos belles îles ses colères et ses tempêtes ! »

Puis, se rapprochant du cadavre qu’on allait brûler :

« Adieu ! dit-il ; adieu, mon enfant ! Ne t’attriste pas de m’avoir quitté, car je sens à ma douleur que je ne tarderai pas à te rejoindre et à te prodiguer encore là-haut les tendres embrassements, les douces caresses que je te donnais ici avec tant d’amour !

« Adieu, fils de Mélisso ! adieu, toute ma joie ! adieu, ma vie ! »

Dès que le corps, porté par six chefs, fut hors de l’appartement, le peuple poussa jusqu’au ciel des cris de désespoir : les uns s’arrachaient les cheveux, les autres se donnaient de grands coups sur la poitrine ; tous