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tour de l’aubespin, pour empescher le peuple de s’y approcher de trop près. Il n’y eut pas faute de gens qui interprétoyent ce miracle ne vouloir dénoter autre chose sinon que la France recouvreroit sa belle fleur et splendeur perdue. Le peuple, s’en retournant de la veuë de l’aubespin content et satisfait, pensant que Dieu par un tel signe approuvast toutes leurs actions, s’en alla droict au logis du défunt amiral, où ayant trouvé son corps mort, le prindrent, et, l’ayans traîné par les rues jusques au bord de la rivière, luy couppèrent le membre et puis la teste, qu’un soldat de la garde (par commandement, comme il disoit) porta au Roy. Le tronc, avec dagues et couteaux lacéré et deschiqueté en toutes sortes par la populasse, fut à la fin traîné au gibet de Montfaucon, et là pendu par les pieds.

Le mardy 26 d’aoust, le Roy, accompagné de ses frères et des plus grands de sa cour, s’en alla au Palais de Paris (qu’on appelloit jadis la cour des pairs de France et le lict de justice du Roy). Là, séant en plein sénat, toutes les chambres assemblées, il déclara tout haut que ce qui estoit avenu dans Paris avoit esté fait non-seulement par son consentement, ains par son commandement et de son propre mouvement ; partant entendoit-il que toute la louange et la honte en fussent rejettées sur luy.

Alors le premier président, au nom de tout le sénat, en louant l’acte comme digne d’un si grand Roy, luy respondit que c’estoit bien fait et qu’il l’avoit justement peu faire ;

Que qui ne sçait bien dissimuler ne sait régner.

Ainsi que le Roy alloit au Palais, un gentilhomme fut recognu en la trouppe pour huguenot et aussitost tué, assez près du Roy (qui, en se revirant pour le bruit, ayant entendu que c’estoit) : « Passons outre, dit-il ; pleust à Dieu que ce fust le dernier I »